Le lien neurobiologique entre tabagisme, traumatisme infantile et alexithymie

Une nouvelle recherche a étudié le lien potentiel entre les traumatismes subis pendant l’enfance, la difficulté à traiter les émotions (alexithymie) et le maintien d’habitudes tabagiques à long terme. L’étude a utilisé des techniques de neuro-imagerie avancées et une approche globale pour étudier l’interaction entre ces facteurs.

Contexte de l’étude

Le tabagisme à long terme est un comportement complexe dont les fondements sont variés. En utilisant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), les chercheurs cherchent à explorer les corrélats neuronaux du tabagisme. Bien que les fonctions cérébrales statiques aient été largement étudiées, l’examen de la nature dynamique des réseaux cérébraux pourrait permettre de mieux comprendre les réponses adaptatives du cerveau à la nicotine et aux signaux environnementaux associés.

Des études antérieures ont montré que le cerveau alterne entre plusieurs états de réseaux transitoires, notamment ceux liés au réseau du mode par défaut (DMN) et au réseau de saillance (SN). Les comportements de ces réseaux sont impliqués dans les troubles liés à l’abus de substances car ils répondent à des indices externes liés au tabagisme, à l’intensité de l’envie de fumer et aux expériences de sevrage.

En se concentrant sur la dynamique temporelle, la recherche identifie trois états transitoires liés au DMN : le DMN fronto-insulaire (FI-DMN), le DMN canonique et le DMN sensorimoteur occipital (DMN-OSM), chacun remplissant des fonctions similaires mais avec des caractéristiques distinctes.

La tendance à ruminer les émotions négatives est associée à un temps excessif passé dans l’état FI-DMN, ce qui souligne son rôle dans la pensée autoréférentielle émotionnelle.

L’alexithymie, qui se caractérise par des difficultés à identifier ou à exprimer les émotions, est plus fréquente chez les fumeurs et a été associée à un risque accru de toxicomanie et d’autres troubles mentaux. Des différences dans le fonctionnement du cerveau associées à l’alexithymie apparaissent chez les consommateurs de substances, et les traumatismes subis pendant l’enfance ont été associés à ces variations neurobiologiques.

L’étude et ses résultats

Cette recherche, à lire ici, visait à détecter les différences dans la dynamique temporelle du cerveau entre les fumeurs et les non-fumeurs et à comprendre le rôle de la dysrégulation émotionnelle et des traumatismes de l’enfance dans ces différences. L’étude menée au National Institute on Drug Abuse a utilisé l’IRMf et des questionnaires pour examiner des participants avec et sans antécédents de consommation de nicotine.

Les résultats indiquent que les fumeurs passent plus fréquemment d’un état cérébral à l’autre, passant plus de temps dans les états FI-DMN et DMN-OSM et moins dans le SN et le réseau frontopariétal (FPN). Ce résultat est cohérent avec des recherches antérieures qui associent la nicotine à un traitement sensorimoteur accru et à l’activité du DMN.

La coordination complexe entre le DMN et le SN – et en particulier l’engagement plus important dans l’état FI-DMN – est considérée comme un mécanisme qui maintient les envies de nicotine et la dépendance.

Implications et recherches futures

Les fumeurs ayant subi des traumatismes dans leur enfance semblent passer moins de temps dans l’état FI-DMN chargé d’émotions, tandis que ceux qui présentent une alexithymie élevée ont la même tendance. Les données de l’étude indiquent que la dysrégulation émotionnelle – spécifiquement liée à l’alexithymie associée à un traumatisme – est un facteur potentiel dans l’initiation et le maintien de l’abus de substances.

Les chercheurs suggèrent que les dysfonctionnements de l’état FI-DMN pourraient être en corrélation avec des aspects de la dysrégulation émotionnelle, reflétant la complexité des envies et de l’utilisation de la nicotine. L’étude souligne également la possibilité que l’abus de substances puisse émerger par diverses voies neurobiologiques, parfois comme une séquelle des contours alexithymiques gravés par les traumatismes de la petite enfance.

Des recherches continues sont nécessaires pour déterminer l’influence directe de la nicotine sur les réseaux cérébraux et si les changements dans l’état FI-DMN sont des conséquences ou des précurseurs d’habitudes tabagiques à long terme. En outre, l’interprétation de la relation inverse entre l’alexithymie et l’engagement FI-DMN nécessitera des recherches plus approfondies pour déterminer s’il s’agit de réponses inadaptées à la dysrégulation émotionnelle ou d’altérations neurobiologiques induites par des traumatismes.